Byzantion/Constantinople dans la Chronographie de Malalas

Bilan d’un semestre de séminaire (novembre 2022-février 2023

Le projet était celui d’une lecture suivie des passages de la Chronographie de Malalas concernant Byzantion/Constantinople1. Cette lecture a été limitée aux livres I-XIII, couvrant la période qui s’étend des origines à la fin du IVe s., et incluant un passage particulièrement riche et complexe consacré à la fondation de Constantinople, qui nous a retenus plusieurs semaines (XIII, 7-10). On ne proposera pas ici un résumé des séances, mais quelques remarques synthétiques, qui leur ont servi de conclusion à la fin du semestre.

La place de Byzantion/Constantinople dans la Chronographie est assez paradoxale : d’une part, la ville est beaucoup plus présente dans les livres XIII-XVIII (où elle apparaît dans plus de 50 passages)  que dans les livres I-XII (6 passages), d’autre part, il s’agit de la première cité mentionnée dans l’ouvrage (I, 1), pour commenter une référence savante, et donc comme un lieu de savoir : cette première mention a pratiquement une fonction inaugurale pour un récit qui se veut ou se prétend savant. La fondation de Constantin est ensuite annoncée, au livre IV, à propos de Argonautes (IV, 9)2.

Les passages de la Chronographie concernant Byzantion/Constantinople dans les livres I-XIII sont formés d’éléments hétérogènes, que l’on peut parfois regrouper en cycles, et qui n’ont pas été simplement raboutés les uns aux autres mais ont fait l’objet de remaniements et d’interpolatios dans le cadre d’un projet d’auteur. On peut distinguer :

1°) un cycle mettant en évidence à la fois le rôle de Byzantion/ Constantinople dans un projet divin et sa position stratégique aux confins de l’Europe et de l’Asie, dans le cadre du récit du passage supposé d’Alexandre sur le site (VIII, 1), auquel fait écho une phrase mentionnant le passage d’Auguste (IX, 12), puis la mention de la restauration par Septime Sévère du Stratégion qui aurait été fondé par Alexandre (XII, 20).

2°) un emprunt à la légende d’Apollonius de Tyane (X, 51), ancré dans la topographie locale, mais sous une forme abrégée par rapport à d’autres versions du séjour d’Apollonius à Byzance, transmises par Georges le Moine et Cedrenos.

3°) un cycle mettant en relation, autour des temples de l’Acropole, Septime-Sévère et le couple fondateur de Byzas et Phidalia (XII, 20), Constantin (XIII, 13), puis Théodose Ier (XIII, 38).

4°) un cycle étroitement associé au précédent reliant Septime-Sévère et Constantin, associés par le Zeuxippe et l’hippodrome (XII, 20)

Le récit de la fondation de Constantinople par Constantin est lui-même complexe et composite, mais organisé de façon rigoureuse et démonstrative en deux parties, consacrées respectivement à la (re)fondation matérielle de la ville (XIII, 7-8, p. 245, l. 68-p. 246, l. 9 Thurn) et à la création de rites et d’institutions (XIII, 8-10, p. 246, l. 9-p. 248, l. 41), affirmant le statut dérogatoire de Constantinople et son rôle de ville souveraine, annoncé  plus haut (IV, 9). Ce récit comporte des références explicites au modèle romain, mais aussi des allusions plus discrètes à Antioche, et un détail au moins (la mention de l’escalier en colimaçon reliant le palais à l’hippodrome, p. 245, l. 79 Thurn) prend sens par rapport à des épisodes suivants de la Chronographie (XIII, 36, XV, 7, XV, 13), ce qui confirme le caractère concerté de l’ensemble.

Cette lecture, qui nous a permis de mieux saisir ce qu’on peut appeler le travail du texte (ou de l’auteur), tant on a l’impression d’être face à une machine dont les éléments se montent et se démontent, met aussi en évidence l’importance de (Byzantion/)Constantinople dans la vision du monde véhiculée par la Chronographie, même  si Byzantion, avant la fondation de Constantinople, y apparaît infiniment moins souvent qu’Antioche.

  1. Voir aussi C. Saliou, « Histoire urbaine de l’Orient romain tardif », Annuaire de l’École Pratique des Hautes Études, Sciences Historiques et philologiques 155, 2024, p. 197‑202, https://journals.openedition.org/ashp/7105 (consulté le 18/06/2024). []
  2. J. Beaucamp, « Saint-Michel de Sôsthénion ou Les Argonautes et l’archange », dans Mélanges P. Maraval, Paris 2006, p. 13‑23. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Catherine Saliou (3 février 2023). Byzantion/Constantinople dans la Chronographie de Malalas. Histoire urbaine de l'Orient romain tardif. Consulté le 20 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/pr67


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